La singularité du Namibien Dan Craven ne se résume certes pas au port de la barbe, dont il fut un fringuant précurseur dans le peloton pro. Celui qui fit partie de l’équipe Europcar pendant deux ans s’est fixé un objectif inhabituel pour sa coupure hivernale : fabriquer son propre vélo acier de ses propres mains.

« Il était à fond dedans, tellement concentré. Au point que ses doigts ont fini par saigner ! » On a demandé au fabricant de cadres britannique Matthew Sowter de parler de son nouvel apprenti à la prestigieuse Saffron Frameworks, une marque de cadre haut de gamme et sur-mesure dans la banlieue ouest de Londres. Et Sowter, ce disant, ne parlait pas de n’importe quel apprenti, mais d’un coureur professionnel Dan Craven, personnage haut en couleur et iconoclaste, membre de l’équipe Europcar jusqu’en 2015.

Bien sûr, Craven a déjà fait parler de lui pour son parcours inhabituel dans les rangs professionnels, pour ne rien dire des suffrages qu’il emporte régulièrement quant à savoir qui porte la plus belle barbe du peloton. Après tout, quatre ou cinq ans en arrière, ce seul fait de porter une barbe bien fournie bien peignée n’était pas chose courante dans le peloton pro, et faisait de Craven une sorte de hipster. Après tout, il a de qui tenir : Dan est le petit-fils de Danie Craven, rugbyman sud-africain qui fut célèbre – outre ses qualités sportives qui ne l’empêchèrent pas d’obtenir trois doctorats – pour ses prises de position anti-apartheid. Quant à son petit-fils, la façon dont il se présentait lui-même sur son blog en dit assez de sa singularité dans le monde du cyclisme professionnel : Nutty Namibian cruising the world on his bicyle (“un cinglé de Namibien autour du monde sur son vélo”, ndlr) – ce qui ne sent pas vraiment le bussiness-plan.

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Mais plus précisément ce qui nous intéresse ici, c’est sa passion pour le vélo lui-même, pour l’objet, et le fait qu’il consacre son intersaison à se fabriquer lui-même le cadre acier de ses rêves. Il y a longtemps que Craven s’intéresse à la résurgence du cadre acier. Déjà en 2010, alors qu’il courait pour l’équipe Rapha Condor, il a passé le plus gros de la saison sur un prototype acier. « En 2008, j’ai roulé sur le vieux vélo acier d’un pote, pour une manifestation caritative, le Bicycle Empowerment Network, en Namibie. C’était génial ! J’ai même fini par remporter la course sur ce vieux vélo, ce qui a contrarié par mal de concurrents équipés de bécanes sophistiquées. C’est de ce jour que date mon enthousiasme pour l’acier », raconte-t-il. « En fait, la plupart des gens ne savent pas combien l’acier a évolué, poursuit-il. Ils pensent encore qu’un vélo acier est fait de ces petits tubes tout maigrichons, tu vois. Mais ce dont ils ne se doutent pas, c’est que pendant que le carbone a envahi le peloton, l’acier a continué à progresser. Ça a changé. C’est bien meilleur qu’avant. La perception moyenne des capacités de l’acier est complètement à côté de la plaque. Et le fait que ce soit durable, ça aussi, ça me parle ! C’est amusant, quand je courais sur mon acier chez Rapha- Condor, les coureurs venaient à ma hauteur dans le peloton et me demandaient « Hey Dan, au fait ? Où est ton vélo acier ? » et je leur répondais « ben, regarde : il est là ! »

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L’idée de se construire son propre vélo est née de sa rencontre avec un autre cadreur britannique, Robin Mather. C’est peu après celle-ci, en effet, que Craven s’est engagé pour une formation “construction” de cadre à la Bicycle Academy. « C’est un programme vraiment génial, explique-t-il, le premier cadre que tu construis est un vélo Qhubeka : il est destiné à l’association et part en Afrique. C’est simple, j’ai passé là une des meilleures semaines de ma vie ! »

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